Fiche adulte Déluge

Le langage symbolique de ce récit

Ce récit est très semblable en de nombreux points à d'autres récits mésopotamiens de Déluges ; il fait le constat que l'homme, dans sa liberté, sa fragilité, est enclin au mal, à la violence, au péché. Mais, contrairement aux récits babyloniens, il montre que Dieu ne peut se résoudre à laisser proliférer la méchanceté et la corruption, à laisser " submerger " l'humanité par le mal et la violence. Et, d'une façon spécialement imagée, ce récit va raconter comment le mal est noyé, pour que puisse vivre une humanité nouvelle, une humanité recréée (le vocabulaire employé rappelle les récits bibliques de Création), une humanité avec laquelle Dieu fait Alliance.

  • Les eaux symbolisent la mort dans la Bible ; elles évoquent de plus, dans ce récit, le tohu-bohu, le chaos originel où se confondent les eaux d'en haut et les eaux d'en-bas ; Dieu les avait explicitement séparées au deuxième jour de la Création (Gn 1,6-7). Dans l'Evangile, le Déluge est une figure des derniers temps (Mt 24,37-39).
  • La présence et l'action de la colombe rappellent l'Esprit qui planait sur les eaux, et annoncent l'Esprit du Baptême de Jésus, l'Esprit qui nous recrée et nous habite.
  • Le chiffre 7, qui comptabilise le nombre de paires d'animaux purs et impurs (qui montent dans l'arche), le temps qui sépare l'entrée dans l'arche du début de déluge, les jours qui séparent les différents envois de la colombe, ce chiffre 7 est celui des 7 jours de la Création ; cela, pour alerter l'auditeur : ce récit parle bien de création ou de re-création.
  • La famille de Noé  compte 8 personnes, chiffre symbolisant la plénitude, le Salut, car 8 = 7+1 ; au nombre " 7 " caractéristique de la Création s'ajoute le " 1 ", le jour nouveau, jour de la Résurrection, le jour de Pâques, notre dimanche, premier jour de la semaine, comme cela est dit dans la liturgie dominicale.
  • Noé qui " marchait " avec Dieu, ne l'oubliant jamais, est qualifié de " juste " ; c'est cet " ajustement " à Dieu qui le sauve, lui, mais aussi les siens : sa femme, ses 3 fils et ses 3 belles-filles.
  • Le chiffre 40 évoque le nombre de semaines d'une grossesse humaine, le nombre d'années qui ont permis aux Hébreux de traverser le désert pour se constituer en peuple et entrer en Terre Promise, le nombre de jours passés par Jésus au désert pour y être tenté et résister au mal, le temps du Carême. C'est le temps d'une " gestation ", le temps de la maturité, le temps de la naissance de l'homme nouveau.
  • L'olivier est mentionné pour la première fois dans la Bible avec ce rameau tout frais rapporté par la colombe. C'est dire que, dès son apparition, il évoque la vie, la vie nouvelle, et même la vie éternelle puisque l'olivier, arbre à feuilles persistantes, ne perd pas ses feuilles ! Son fruit donne l'huile qui nourrit, éclaire, fait briller, donne l'onction royale, messianique, baptismale… Jésus, à la veille de donner sa vie, prie à Gethsémani, dont le nom signifie " pressoir d'huile ". Enfin la Venue du Messie est attendue sur le Mont des Oliviers (Za 14,4). L'olivier, et son rameau tout frais rapporté par la colombe, sont donc chargés de tous ces harmoniques. L'olivier évoque aussi la " Justice " de celui qui s'attache au Seigneur (Ps 52,10) et la Paix puisqu'il est lié à la Promesse de paix de Dieu.
  • L'alliance proclamée si solennellement à la fin du récit est explicitement mentionnée pour la première fois dans ce texte (même si elle était implicite dans les récits de Création de Gn 1 et 2). Dieu s'engage unilatéralement et inconditionnellement en faveur de Noé et de ses descendants, en faveur de toute l'humanité et à jamais.

L'auteur de ce récit (comme dans Gn 2 & 3) nous présente un Dieu qui réagit comme un père avec ses enfants ; à la façon des hommes, il change d'idées, se repent de ce qu'il a fait…

Les récits mythiques

Les récits du début du livre de la Genèse font partie des textes que l'on désigne scientifiquement sous le titre : récits de type mythique. Avant leur lecture, il est bon de préciser le terme "mythe" car le langage populaire l'emploie pour dire que quelque chose est faux, ce qui est une très mauvaise définition.

Dans les civilisations anciennes, le mythe est un procédé d'expression (orale ou écrite) utilisé par les hommes pour dire comment ils comprennent leur situation par rapport au monde, aux dieux et aux autres hommes. Cette compréhension s'exprime à travers une histoire exemplaire qui englobe l'humanité, le monde et le (ou les) dieu(x). Le caractère exemplaire de cette histoire est marqué par le fait qu'elle est racontée dans un temps hors du temps qui représente tous les temps, un temps des origines. Ainsi l'homme est manifesté dans son universalité et non situé dans une histoire particulière : un récit de type mythique est donc par essence non historique. Il ne cherche pas du tout à décrire telle ou telle phase de l'histoire humaine. Son équivalent moderne serait l'abstraction ou la métaphysique. La vérité d'un récit de type mythique repose non sur la matérialité de l'histoire qu'il raconte mais sur ce qu'il révèle de la place de l'homme dans le monde et par rapport à Dieu.

François BROSSIER,
La Bible dit-elle vrai ?, Editions de l'Atelier, Paris 2000

Formation du récit du déluge

En Israël, il y avait deux manières de raconter le déluge. Ces deux récits ont été mêlés et ajoutés à l'histoire des commencements de l'Humanité.

- Le premier date du 10e siècle avant JC. Il est de la même main que le récit de la création (Gn 2), de la chute (Gn 3), de Caïn et d'Abel (Gn 4). Il appelle Dieu " Yahvé ". Le déluge dure 40 jours. Noé fait monter dans l'Arche 7 couples de tous les animaux purs et 2 couples de tous les animaux impurs. Une colombe portant un rameau d'olivier annonce la décrue des eaux. Le déluge se termine par un sacrifice agréable à Dieu. (Gn 6,5-8 ; 7,1-5 ; 7,7-9 ; 7,10 ; 7,12 ; 7,17b-22-23 ; 8,2b-3a ; 8,6-12; 8,13b.20-22).

- Le second récit date du 5e siècle avant JC. Il est de la même main que le poème de la Création (Gn 1-2,4a). Il appelle Dieu " Elohim ". Le déluge dure 150 jours. Noé fait monter dans l'arche un couple de chaque espèce. Ce récit se termine par l'arc-en-ciel, signe de l'Alliance de Dieu avec la terre.

Albert HARI & Charles SINGER,
La Nouvelle Bible Illustrée, Édition Du Signe (avril 2000

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